Colombie : Luis et sa « islote »

Un soir de la semaine, alors que son frère Roberto était parti rejoindre quelques chicas en ville, Luis est passé nous voir à bord de Namasté.

Roberto et Luis sont deux Colombiens qui travaillent et habitent sur un yacht de la marina. Roberto, 36 ans, est capitaine, Luis, 32 ans, marin, et tous deux grands passionnés de pêche en font des copains inséparables de Xavier.

Ils sont originaires de la "islote", une petite île de l'archipel de San Bernardo dans la mer des Caraïbes, au sud de Carthagène.

Luis a eu une méningite à l'âge de 5 ans qui l'a laissé sourd et il a donc aussi des grandes difficultés pour s'exprimer. Cette maladie a aussi malheureusement touché son cerveau et il n'a pas eu un développement normal, il ne sait ni lire ni écrire. Il ne peut pas habiter seul, c'est son frère qui s'occupe de lui.

Avec un peu d'habitude on arrive à communiquer avec lui en articulant assez fort des mots simples ou en mimant ce que l'on veut exprimer, et on finit par s'habituer à ce que son frère nomme affectueusement "el idioma de Luis", la langue de Luis.

Par exemple, pour parler des personnes à la peau blanche, il parle de "Bogotta-Medellin". Pourquoi? Parce que dans ces deux villes, la population a en majorité une peau claire contrairement aux habitants de la côte et des îles caraïbes, descendants d'esclaves, noirs ou métissés.

Pour décrire la "islote", il parle de "aqua clara" en référence aux eaux cristallines entourant l'archipel de San Bernardo….

Ses échanges sont émaillés de "y por qué, y por qué????", s'interrogeant de tout et de rien : pourquoi y-a-t'il du vent? Pourquoi n'y-a-t'il pas de poisson? Pourquoi? Pourquoi? Parfois j'attrape ces deux dadais de Roberto et de Xavier en train de répéter (gentiment) "y porqué y porqué" et qui doivent me justifier sous peine de se faire enguirlander pourquoi ils se moquent de Luis, y porqué?

Parce que si je sais bien que Roberto et Xavier adorent Luis et se moquent gentiment, d'autres le traitent comme une bête de foire, voire abusent de sa gentillesse, je ne sais pas comment on qualifie les abrutis qui ont ce genre de comportement avec une personne handicapée. J'ai décidé de leur faire la chasse même si je sens bien que la chasse aux cons est un combat perdu d'avance, que voulez-vous, ça me heurte plus que je ne le voudrais, il faut croire que j'ai encore besoin de m'endurcir….

Le seul point noir est lorsque il part en ville et se saoule. Il devient alors incontrôlable, se bat dans les bars ou dans la rue et devient une personne différente… Le souci est que des clients de la marina pourraient se plaindre de lui et lui et son frère pourraient être virés. A chaque fois que ça arrive Roberto le menace de le renvoyer sur la islote avec sa mère, pour le moment il ne l'a pas encore fait…

Malgré ses difficultés, Luis est un garçon bourré de qualités. Il a toujours un grand sourire aux lèvres et, dès qu'il nous aperçoit, il court sur les pontons pour venir nous saluer soit avec les pouces en l'air, soit en cognant son poing contre le notre, deux coutumes répandues dans la région.

C'est également un grand pêcheur, autant vous dire qu'il adore Xavier qui l'emmène pêcher très souvent (il a aussi participé au concours de pêche aux poissons lions, il était très fier).

Et bien sur comme tout bon pêcheur qui se respecte, il est un cuistot hors pair (euh enfin sauf Xav qui est l'exception qui confirme la règle)(enfin non, il fait super bien le poisson au BBQ, ça compte hein?)…

Cette semaine il nous a invité 3 fois à manger, différentes soupes de poissons pêchés avec Pescatorus accompagnées de yuccas, bananes et pommes de terre, à chaque fois délicieuses. Une autre fois il nous a apporté du poisson ange qu'il avait fait séché au soleil 3 jours avant de le frire, accompagné d'un petit riz, je m'en lèche encore les babines!

D'ailleurs sur l'île dont il est originaire, ils sont tous pêcheurs…

Cette islote a la particularité d'être minuscule, il faut 5 mn à pied pour la traverser mais aussi d'être la plus densément peuplée au monde!

L'autre soir, nous avons regardé avec Luis un reportage de Thalassa sur la "islote"… C'était très amusant car Luis était très fier de nous dire "tio!" (oncle) quand il a vu celui qui est surnommé "le fou" et qui est donc son oncle. Puis il nous a aussi dit "abuelo" (grand-père) lorsque le reporter a interrogé le doyen de l'île (il est décédé depuis).

Quel plaisir de voir ce reportage avec Luis, un habitant de l'islote qu'il est parti rejoindre pour une semaine de vacances ce matin auprès de sa mère et de sa grand-mère.

Si vous avez envie de voir ce reportage de 12 mn, c'est ici : http://www.youtube.com/watch?v=Ne1H4XYQgdU

Ah et j'ai oublié de vous dire qu'il est un danseur hors pair (et oui, même sans entendre, il doit bien ressentir les basses j'imagine), l'autre soir on a mis le feu au ponton en dansant une salsa de tous les diables!

Et pour finir, une dernière image de Luis qui part de Namasté avec la prise du jour, un congre… Après dépiautage (il a enlevé l'arête centrale, il reste chair et peau), il est actuellement en train de sécher sur une des amarres de leur yacht…

 

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